comprenaient les listes des fonctionnaires expulsées dans leurs annexes. Les listes
étaient classées selon les institutions publiques. Les prénoms-noms, numéros d'identité
particulier des fonctionnaires, le dernier statut ou la position des fonctionnaires, les lieux
de travail (ville-arrondissement) des fonctionnaires figuraient sur ces listes. Et toutes ces
informations privées étaient affichées publiquement par les DLE sur le site internet du
journal officiel.
L'article 2, alinéa 1 de ces DLE stipulait que
"… les personnes citées dans les listes annexées …ceux qui sont considérés
membres, ceux qui sont considérés avoir une appartenance, une relation, une
connexion ou bien une affiliation avec les organisations terroristes, avec des
structures, des formations ou bien des groupes ayant des activités contre la
sécurité nationale de l'État… sont expulsés de leurs fonctions publiques…"
L'article 2, alinéa 2 des DLE prévoyait que "… les personnes expulsées de la fonction
publique ne peuvent plus redevenir fonctionnaire… ne peuvent pas être embauchées
directement ou indirectement pour les fonctions publiques… et leurs passeports sont
annulés…".
Des termes vagues et flous (appartenance, relation, connexion, affiliation et structure,
formation, groupe) étaient employés dans le texte des DLE (Commission de Venise, 12
décembre 2016: para. 129). En fait, toutes les personnes énumérées dans les listes
annexées aux DLE étaient considérés comme des "terroristes", sans aucune décision
juridique.
Le pouvoir politique avait décidé d'expulser ces fonctionnaires sans notification préalable,
sans explication et sans reconnaître le droit de défendre eux-mêmes (Günday, 2017:
35). L'administration, avec l'avantage procuré par l'état d'urgence, n'a pas senti la
nécessité de fournir des preuves concrètes pour les expulsions et a considéré une simple
suspicion suffisante pour cet acte administratif mis en œuvre à travers d'un acte législatif.
Une différenciation dans la sanction à infliger n'était non plus préférée pour les distinctes
catégories (membre, appartenance, relation, connexion ou bien affiliation) énumérées
dans le texte des DLE. Alors que la Convention de Genève interdit la pénalisation
collective (Convention de Genève, 1949: art. 33), toutes ces catégories étaient acceptées
comme des "terroristes égaux" et, dans la "guerre sainte" contre le terrorisme, étaient
pénalisées collectivement.
Pendant les deux années qui ont passé sous les conditions d'état d'urgence, plus de 6.000
académiciens, 4.240 juges et procureurs (ça fait un tiers des juges et des procureurs) et
des dizaines de milliers de personnes de professions diverses tels que médecins,
enseignants, soldats, police, ouvrier etc., au total plus de 150 mille personnes, étaient
expulsées de leurs fonctions publiques (OHCHR, 2018: paras. 49 et 61).